Dans tes cheveux, récit d'un voyage en Iran
mai 2022, 21cm x 11cm, 42 pages.
Disponible, m'écrire par mail : contact@marianneherjean.com
DE GENEVE A TEHERAN
Mon projet commence en février 2022, lorsque j’ai entrepris un voyage de Genève jusqu’ à Téhéran en passant par la terre. Durant plus de quatre mois, j’ai traversé huit pays jusqu’en Iran.
Je voulais sentir la mesure du paysage dans sa traversée et son impact sur ma création artistique.
Tout d’abord, parce qu’ils me rapprochent du sentiment d’émerveillement. Le paysage et le voyage sont les fondements de mon processus artistique ; le voyage comme un déplacement de mon corps dans l’espace.
Sans prétendre sortir de l’attitude du tourisme, j’organise un pas de côté.
C’est une expérience de rencontres d’humains, de pratiques artistiques, d’écriture, de rencontre d’œuvres, de danses, de goûts, … Pays par pays, par ce dossier, je tente de vous raconter succinctement mes expériences.
Il y quelques jours, je lisais un très beau texte de la chanteuse Barbara Pravi sur sa grand-mère. Et j’ai eu envie à Istanbul d’en écrire un tout spécialement pour ma propre grand-mère. Parce que ces jours-ci, tant par leurs géographies que par leurs dates, me rapproche d’elle.
Peindre et repeindre. La peinture est infinie. Maintenant je le sais. Mon regard balaie lentement l’espace sacré et se laisse choisir par un ange, un saint ou une scène. L’œil s’apaise, prend confiance. La main prend le relai, elle recopie ce qu’un homme à peint 800 ans auparavant. Un.e hermite qui cherchait dieu a peint sa prière ici. Les rois mages réapparaissent, des présents pleins les bras ; des plumes, des mains qui se joignent, du tissu, des arbres, des regards et des fruits. A l’intérieur de l’église à la Pomme dans cette cavité de roche volcanique, en silence, je recopie pour mieux naître à mon Art.
17 mars 2022, Sirnéa, Roumanie
J’ai écrit le mois dernier suite à ma rencontre avec Jonah en Slovénie.
« Ce qu’il y a de plus beau, ce sont bien les gens qui peuplent ce monde… ». Cette idée se renforce.
Je doute souvent et je suis souvent aussi très déterminée.
Mon anglais est vraiment mauvais, mais ça ne nous empêche pas de rire le soir à table avec Alina avec nos petits verres de porto roumains.
En fait, il n’ y a pas d’atelier idéal, il n’y a pas de lumière idéale, il n’y a pas de moment idéal pour peindre. J’embrasse chaque jour, tant bien que mal ce grand vertige de l’acte de commencer.
Cette nuit, j’ai fait plein de cauchemars entre autres une foule d’hommes se battant devant moi dans une violence extrême. Puis cette nuit, il y a aussi beaucoup neigé et ce matin, une épaisse couche de neige recouvre mon velux.
Hier, on est allée dans un magasin de fournitures d’art et Alina m’a encouragé à prendre des feuilles de papier plus grandes, pas beaucoup plus grandes, mais quand même un peu. Ça va être cool, et puis tant pis, je les plierai pour qu’elles puissent entrer dans mon sac. Ça peut être même intéressant ces pliages d'ailleurs. Peut-être même que je peux les faire avant ? J’ai un tas d’idée en relation avec des motifs que j’ai vu sur des petits tapis Ottoman hier dans l’Église noire de Brasov. J’ai aussi trouvé une nouvelle encre bleu « made in Slovaquie » faudra vraiment que je fasse gaffe à ne pas salir le parquet, faut que je protège mieux.
Hier, je me suis même laissé pleurer. J’aime être ici. M’enfoncer dans la neige en marchant devant cette immensité montagneuse, surtout en fin de journée, je suis fascinée par le passage du jour vers la nuit. Je sens en moi quelque chose qui lâche et qui prend quelque part confiance au cœur de quelque chose.
L'ensemble des dessins sont réalisés au pastel sur papier, 42/29.7cm.
Visite du (MAGNIFIQUE) musée d'ethnographie de Cracovie
"Gitta Mallatz a retranscris les Dialogues avec l'ange, manuel de métaphysique applicable à la vie vécue, dicté par les "anges" de quatre jeunes hongrois pendant la deuxième guerre mondiale.
Ses trois camarades juifs ont été emportés et tués dans les camps. Elle, chrétienne, a pu s'exiler en France où elle a trouvé, bien des années plus tard un soutien et un entourage (notamment Marguerite Kardos qui enseigne encore aujourd'hui l'angéologie à la suite d'Henri Corbin) pour traduire le manuel en français et le publier" (texte de Line Pauvert http://linepauvert.com )
Rencontre avec le travail de Zoran Mušič à la Galerie nationale de Slovénie (Ljubljana)
À Venise, j’ai commencé à lire « l’île aux arbres disparus » d’Elif Shafak. Sans tout vous racontez, dans ce livre j’adore un figuier issu d’une greffe que son propriétaire a fait en immigrant de Chypre à Londres. Ce figuier parle à la première personne et il est capable de ressentir les émotions de l’homme qui l’a planté lorsqu'il est près de lui.
La semaine dernière, un ami s’en est allé. Cet ami m’a appris le métier d’architecte-paysagiste. Il m’a montré comment à partir d’un dessin, on pouvait développer un projet d’espace dans la matière. Il m’a appris à choisir des arbres, des sols, des gabarits, des bordures. Il m’a aussi appris à prendre en considération l’avis d’autrui, à présenter un projet, à avoir confiance en mes réponses et un bon morceau de cette qualité que l’on appelle la patience.
Depuis l’île principale de Venise, je voyais une accumulation d’immenses taxus baccata de tailles disparates, contenus sur son pourtour par une majestueuse forteresse base en pierres claires.
J’ai été attirée l' île-cimetière de San Michel. Je me suis agenouillée sous un gigantesque magnolia. En fait, je ne m’attendais pas à ce que Nicolas parte maintenant. Je me suis sentie loin. J’ai pensé au figuier du roman et je me suis sentie bien sous ce magnolia. Je l’ai dessiné pendant longtemps.
J’ai lu une interview du peintre Ellworth Kelly qui disait « Mes dessins sont plutôt des idées d'espaces. J'aime les formes, elles sont juste une excuse pour prendre le crayon en main. Le dessin, c'est savoir voir. Plus on pratique, plus on devient «voyant». »
Sous ce magnolia, je me suis sentie proche de Nicolas.
Le charbon utilisé est celui d'un feu trouvé sur la plage
L'eau utilisée pour la peinture est celle de la mer Adriatique
Tout commence par un rêve auquel je donne toute ma confiance.
Traverser.
A 25ans, j’ai créé le blog « Pèlerinages particuliers » suite à un mémoire que j’avais fait durant mes études à l’école du paysage de Versailles sur le paysage et la mémoire. J’y postai régulièrement des dessins (aujourd’hui, ils sont dans la rubrique « carnets » de mon site). C’était beaucoup de joie de partager ma création avec vous.
Dessiner.
Puis, j’ai lu l’histoire de ma famille, bretonne, des hommes constamment sur la mer, des histoires de chameaux, de marchands de vins, de naufrages, … J’ai regardé attentivement toutes les petites photos sépia de mon grand-père au Vietnam, en Afrique du Sud, à San Francisco,… C’était curieux de le voir ainsi lui que je n’ai jamais connu, jeune, beau. Insouciant peut être, enfin, c’est l’idée que je m’en était faite.
Bref, je savais d’où je venais.
Puis, en décembre 2017, j’étais dans les caraïbes depuis quelques mois. Suite à une rupture amoureuse, je me sentais profondément chamboulée et j’ai pensé aux rois mages. J’ai trouvé ça tellement beau, cette humilité du roi qui se met en chemin par la terre pour rencontrer un enfant. En 2019, en Ethiopie, j’ai survolé l’embouchure du Nil et j’ai pensé au chemin qu’avait fait le roi Balthazar jusqu’au Christ à Nazareth avec la myrrhe .
Rencontrer.
Durant la pandémie, j’ai intensément pratiqué la danse Soufie (Sama « écoute mystique » ), mon enseignante me disait sans cesse « Cherche la lumière. »
Cherche la lumière.
Cherche la lumière.
Cherche la lumière.
J'y ai fait naître des désirs de formes, de couleurs, de gestes, de matière papier. J'y ai fait naître toutes mes peintures réalisées à Genève dans mon atelier.
Beaucoup d’entre vous me demandent souvent comment je fais pour ne pas avoir la tête qui tourne. En réalité, il arrive un moment où ce n’est plus moi qui tourne, mais c’est monde qui tourne autour de moi. Peut-être en est-il de même pour ce voyage ?
Alors je pars de Genève vers Téhéran par la terre que je chéris tant.
Je fonce vers l'horizon qui s'écarte, je m'empare du temps qui me fuit. Je ne suis personne, je suis d'ailleurs. Je suis d'ici.
Andrée Chédid